Une équipe coordonnée par le Pr Isabelle Thomassin-Naggara du service de radiologie de l’hôpital Tenon, AP-HP et Sorbonne Université, a évalué, chez 1340 femmes présentant à l’échographie une masse ovarienne indéterminée ou complexe, la performance d’un score IRM, nommé O-RADS IRM, pour prédire la bénignité de cette masse et mieux sélectionner les patientes nécessitant une chirurgie de l’ovaire. Cette étude, menée dans 15 centres européens, montre une sensibilité et une spécificité de l’IRM de plus de 90% pour prédire un cancer de l’ovaire. Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans JAMA Network Open le 24 janvier 2020.
Le cancer de l’ovaire est un cancer rare – autour de 5 000 cas incidents en France en 2018 – mais associé à un taux de mortalité élevé en raison de sa découverte tardive, les signes cliniques étant souvent peu spécifiques. Si le dépistage de cette maladie n’a pas montré son efficacité, la découverte de kystes ovariens lors d’une échographie est un phénomène fréquent. Dans 25% des cas, il n’est malheureusement pas possible d’éliminer formellement un cancer en échographie et de nombreuses patientes sont adressées pour une chirurgie diagnostique qui révèle souvent une pathologie bénigne. Ces chirurgies sont possiblement associées à des complications et ont un impact délétère sur la fertilité des patientes. L’utilisation optimale de l’IRM pelvienne pourrait permettre de réduire le nombre de ces chirurgies.
L’étude O-RADS IRM évalue l’apport d’un score IRM pour stratifier le risque de malignité des masses annexielles. Elle a été conduite en collaboration avec l’Imperial College de Londres et avec le soutien de la Société d’Imagerie de la Femme (SIFEM). Elle a été menée dans 15 centres européens, dont 3 centres de l’AP-HP (Tenon, HEGP et Lariboisière). La France, le Portugal, la Serbie, l’Italie et la Grande-Bretagne ont participé à l’inclusion de 1340 patientes.
Pour le Pr Isabelle Thomassin-Naggara, service de radiologie de l’hôpital Tenon, AP-HP, investigatrice principale de l’étude, « ces travaux démontrent l’impact de l’IRM pour une médecine plus personnalisée permettant de mieux sélectionner les patientes nécessitant une chirurgie de l’ovaire, qui reste une des chirurgies gynécologiques les plus fréquentes, retrouvant souvent des lésions bénignes. A l’Hôpital Tenon, la collaboration ancienne et étroite entre le service de gynécologie obstétrique du Pr Daraï et le service d’imagerie nous a permis d’être précurseurs dans cette approche. ».
Le Pr Andrea Rockall, co-investigatrice principale de l’étude et professeur à l’Imperial College de Londres, ajoute : « A l’ère du développement de l’intelligence artificielle, la standardisation des conduites à tenir en se basant sur des scores diagnostiques d’imagerie est une étape importante pour homogénéiser les pratiques à l’échelon national et international. La collaboration entre l’American College of Radiology (ACR) et l’European Society of Radiology (ESR) autour de cette classification O-RADS IRM permet de publier une classification validée scientifiquement et unifiée en Europe et aux États Unis ».
Le score classe en 5 catégories de risque de malignité les masses annexielles considérées complexes en échographie. Ainsi, les lésions classées O-RADS IRM 2 ont un risque très faible (risque de 0.3% avec seulement 2 tumeurs borderline sur les 571 lésions classées dans cette catégorie). A l’inverse, les tumeurs classées O-RADS IRM 5 ont un risque très élevé de malignité autour de 90% avec une grande majorité de lésion invasive (112/133) nécessitant un bilan pré-opératoire et l’orientation de la patiente vers un chirurgien ou un oncologue spécialisé en cancérologie ovarienne.
L’Institut National du Cancer et le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français ont préconisé dans leurs dernières recommandations sur la prise en charge d’un cancer épithélial de l’ovaire en décembre 2018 (1) l’utilisation de scores diagnostiques en échographie et en IRM. Cette étude permet de valider l’utilisation du score O-RADS IRM, score reproductible et performant pour orienter correctement les patientes vers des centres experts en cancérologie gynécologique.
L’AP-HP est actuellement promoteur d’une étude randomisée nommée ASCORDIA (PHRC) et portée par le Pr Isabelle Thomassin-Naggara pour évaluer l’impact de l’utilisation de ce score IRM sur la prise en charge des patientes et notamment évaluer le nombre de chirurgies évitées pour lésion bénigne asymptomatique ainsi que son impact pour préserver la fertilité des patientes en période d’activité génitale.
Sources
JAMA Netw Open. 2020;3(1):e1919896. doi:10.1001/jamanetworkopen.2019.19896
Thomassin-Naggara I, Poncelet E, Jalaguier-Coudray A, Guerra A, Fournier LS, Stojanovic S, Millet I, Bharwani N, Juhan V, Cunha TM, Masselli G, Balleyguier C, Malhaire C, Perrot NF, Sadowski EA, Bazot M, Taourel P, Porcher R, Darai E, Reinhold C, Rockall AG