Dormir nous rendrait-il plus créatif ? L’étude des personnes narcoleptiques, qui bénéficient d’un accès privilégié au sommeil paradoxal, pourrait apporter des informations clés pour comprendre ce phénomène. Une équipe associant des médecins de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, en collaboration avec une équipe de l’université de Bologne en Italie, a mis en évidence l’existence d’une plus grande créativité chez les patients atteints de narcolepsie. Les résultats de l’étude suggèrent un lien entre une phase du sommeil particulière, le sommeil paradoxal, et les capacités créatives. Cette avancée importante, publiée dans la revue Brain le 29 mai 2019, ouvre de nouvelles pistes quant à la compréhension des fonctions cognitives du sommeil et des mécanismes de la pensée créative.
La narcolepsie est un trouble rare du sommeil qui touche environ 0.02% de la population générale. Il est caractérisé par des phases de sommeil incontrôlables. Ces endormissements ont la particularité de débuter souvent immédiatement par une phase de sommeil particulière, le sommeil paradoxal, une situation impossible à rencontrer en temps normal. En effet, notre sommeil est composé de plusieurs phases et le sommeil paradoxal est systématiquement précédé d’une phase de sommeil lent. Il faut donc en général dormir au moins une heure avant d’accéder à ce sommeil particulier. Les personnes narcoleptiques bénéficient donc d’un accès privilégié au sommeil paradoxal. Ils présentent d’ailleurs beaucoup de symptômes parallèles associés au sommeil paradoxal, comme s’ils existaient chez eux une barrière poreuse entre l’éveil et cette phase du sommeil. Par exemple, la majorité d’entre eux sont des rêveurs lucides, c’est-à-dire conscients de rêver au moment où ils rêvent et pouvant même parfois influencer le scénario du rêve. Si plus de la moitié de la population adulte rapporte avoir fait un rêve lucide au moins une fois dans sa vie, les rêveurs lucides réguliers (plusieurs fois par semaine) sont très rares.