L’utilisation de la biologie délocalisée (« au lit ou au chevet du patient », ou point of care (POC)) est régulièrement évoquée comme un des leviers possibles pour réduire le temps de passage dans les services d’urgence, mais les éléments de preuve manquent encore. L’équipe du Pr Hausfater, chef du service des urgences de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, et du GRC-14 BIOSFAST (Sorbonne Université) a testé l’hypothèse selon laquelle la mise à disposition d’un panel élargi de paramètres biologiques en POC était à même de réduire ce temps de passage aux urgences. L’évaluation médico-économique de ce projet a été réalisée par Isabelle Durand-Zaleski, professeur à la Faculté de Santé de l’Université Paris-Est Créteil.
L’hypothèse intègre le fait que réaliser les analyses de biologie directement en salle d’urgence sur des automates fonctionnant avec un échantillon de sang total et des temps d’analyse courts, au lieu de les envoyer au laboratoire central, permet un raccourcissement des délais et de la durée de prise en charge pour l’ensemble des patients consultant aux urgences.
Cette équipe a donc conduit une étude prospective randomisée en cluster par semaine sur une période de 4 mois, l’étude SUPOC, qui a bénéficié d’un financement à l’appel d’offre national PREPS. Selon la semaine de randomisation, les analyses de biologie étaient réalisées soit au laboratoire central (pratique actuelle, bras contrôle), soit par un technicien de laboratoire en POC (bras intervention) sur des automates de biologie délocalisés dans un des box des urgences.
Les résultats principaux après l’inclusion de 20 923 patients montrent une réduction non significative du temps de passage aux urgences de -9 mn (IC 95% : -22 à 5, p=0,22) dans le groupe POC comparé au groupe contrôle (analyses de biologie envoyées par pneumatique au laboratoire), contrastant avec une réduction très significative du délai de rendu des résultats par le laboratoire (-51 minutes, IC 95% = -54 à – 48 minutes, p < 0.001) dans le groupe POC. L’étude médico-économique intégrant l’ensemble des coûts directs liés à chacune des stratégies montre un surcoût par patient de 4,70€ en POC pour une réduction du temps de passage de 9 minutes. L’analyse des questionnaires de satisfaction auprès des patients et du personnel est en faveur de la stratégie POC concernant la prise en charge globale et les temps d’attente.
Ces résultats illustrent que l’apport potentiel de la biologie délocalisée, pour fluidifier la prise en charge des patients aux urgences, ne se résume pas à la diminution du temps d’analyse, mais doit être couplé à des actions systémiques permettant au médecin urgentiste de prendre connaissance des résultats en temps réel dès leur validation par le biologiste. Il est vraisemblable que dans l’étude SUPOC, les médecins urgentistes n’aient pas suffisamment intégré le fait que durant les périodes POC, les résultats étaient disponibles plus précocement sur le serveur de résultat. Ce n’est qu’en raccourcissant au maximum le « brain to brain time » [1] qu’une réduction significative du temps de passage pourra être obtenue.
[1]Délai entre la décision par le médecin urgentiste de réaliser des analyses biologiques et la décision d’orientation du patient après prise de connaissance des résultats de ces analyses.
Référence :
Impact of Point-of-care Testing on Length of Stay of Patients in the Emergency Department: A Cluster-randomized Controlled Study, Pierre Hausfater, David Hajage , Julie Bulsei , Pauline Canavaggio , Alexandre Lafourcade , Anne Laure Paquet, Michel Arock , Isabelle Durand-Zaleski, Bruno Riou , Nathalie Oueidat, Academic Emergency Medicine, July 3rd 2020.
DOI: 10.1111/acem.14072
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